Etre à sa place
On entend souvent, « je ne me sens pas à ma place ici, ou, je n’ai jamais trouvé ma place ». Mais de quoi parle-t-on exactement ? Que veut dire être à sa place ? Se sentir à sa place ?
Dans les motivations qui poussent les personnes à venir me consulter en psychanalyse transgénérationnelle, il y a toujours, explicitement ou en sous texte, le sujet de la place qui ressort à un moment dans le questionnement de leur relation à l’histoire familiale. Cela m’a menée à interroger en profondeur ce terme assez galvaudé, générique et général, qu’est la place.
Si je me réfère à la définition du Larousse, une place est « un espace occupé par quelqu’un, quelque chose. Un endroit où doit se ranger, se trouver quelque chose. Un emplacement destiné à une personne, dans un moyen de transport par exemple. L’importance que prend quelqu’un ou quelque chose ». Il y a donc une notion d’espace à investir, dans différents contextes, selon différents codes suivants le contexte dans lequel on se trouve et aussi la notion d’importance.
Sur un plan existentiel ces définitions se transposent tout à fait, car il y a plusieurs types de places. Si je reviens à l’origine de notre lien à l’autre et au collectif qu’est la famille, la question de la place suit une dialectique qui cible le vaste sujet de la place de l’humain dans le monde.
D’abord, il s’agit de se demander de quelle place on hérite en naissant. Est-ce une place désirée par les parents, les frères et sœurs, la famille d’un côté, ou de l’autre ? Il s’agit donc de se demander d’où vient le désir de faire de la place à la venue d’une nouvelle personne dans un foyer. Donc selon que l’enfant est très désiré, ou très peu, cela va teinter son sentiment de légitimité d’avoir une place importante, ou pas, dans la vie des parents, de la famille et par conséquent, dans le monde.
On peut aussi interroger quelle place est assignée dans sa famille d’origine celle qu’on occupe effectivement. Est-ce la même chose ? Se sent ont étriqué, piégé dans cette place assignée, ou confortable, en sécurité ?
Ensuite, il y a la place conquise. Ce sujet est fondamental lorsqu’on a par exemple hérité d’une place de second, de remplaçant : les besoins de l’autre passent avant les siens. Dans ce cas, lorsque cela est conscientisé et qu’on se place en sujet/acteur de sa vie pour ne plus subir cela, il faut se demander : quelle place je veux conquérir et quels moyens je mets en place pour y parvenir ? Car c’est possible, de quitter une place pour en occuper un autre. Et là on peut préciser quelle place est visée, rêvée ou incertaine, pour conquérir celle qui convient et dans quel contexte. Affectif, professionnel, social ?
La question de la place peut aussi se lire sous l’angle de la place usurpée et la place légitime. Ai-je le sentiment d’avoir volé la place de quelqu’un (très fréquent dans le cas d’une enfant de remplacement) et dans ce cas, quelle légitimité ai-je à occuper celle que j’ai actuellement ? Il faut dans ce cas se défaire de sa culpabilité pour réinvestir son plein droit à être vivant, exister et être aimé.
En conclusion, se pencher sur la question de la place, pour que la réflexion aboutisse à une transformation, doit être interrogée sous tous ces angles. Car de là des changements de place peuvent advenir.
Article écrit par Isabelle Sarne, fondatrice de Tandam mouvements